Au Ier siècle avant l’ère chrétienne, le géographe grec Stabon décrit l’abondance de pommiers et de poiriers en Gaule et mentionne le phitarra au Pays basque, un breuvage obtenu en faisant bouillir des morceaux de pommes et du miel dans de l’eau. Un siècle plus tard, Pline l’Ancien traite, dans son Histoire Naturelle, des vins de pommes, de poires et de cormes. Au IIe siècle, on plante et entretient des vergers pour faire le pomarium. Un document du Ve siècle indique qu’à l’abbaye de Landévennec le saint breton Guénolé consommait « un mélange d’eau et de sucs de pommiers des champs et des forêts ».
Au XIIe siècle, les moines de Jumièges récoltent des pommes dans la forêt de Brotonne afin de brasser un pomacium. Les religieux perpétuent la tradition de la boisson fermentée de pommes. Au XIIIe siècle, l’invention de la presse va marquer l’histoire du cidre. L’âge d’or du cidre commence. En 1205, on signale en Grande-Bretagne les premiers achats importants de cidre par la noblesse. C’est tout l’Ouest et le Centre de l’Europe qui produisent et vendent du cidre. Le cidre est un art de vivre au XVIe siècle. Les gentilshommes plantent, greffent, pressent, servent et dégustent. Dès cette période, les pomologues recommandent d’utiliser les pommes aigres-douces pour presser un cidre délicat et d’y ajouter quelques pommes acides pour empêcher le noircissement. Le traité De vino et pomaceo de Julien Le Paulmier est un livre de référence. Tout y est décrit, de la qualité des pommes à la conservation des cidres. Le succès du cidre ne se dément pas jusqu’au XVIIIe siècle.
Le cidre demeure une boisson rurale fabriquée à l’ancienne. Ce sont les malheurs du vin qui vont contribuer à l’amélioration de la production cidricole. L’oïdium en 1848, le mildiou en 1870 et le phylloxéra en 1900 ravagent les vignobles. Un énorme marché s’ouvre au cidre des 36 départements producteurs. L’essentiel de la production vient de Normandie, de Picardie et de Bretagne. Elle quadruple en trente ans.
Au début du XXe siècle, les préparatifs de guerre vont à la fois doper artificiellement la production cidricole et en abaisser la qualité. Le gouvernement réquisitionne les pommiers pour subvenir aux besoins en alcool de l’industrie d’armement. Une grande partie des vergers va être ravagée pendant la seconde guerre mondiale.
Le déclin de la production cidricole française est planifié. En 1953, le gouvernement français inaugure par décret une politique d’arrachage des pommiers. En 1956, le gouvernement cesse toute politique de soutien aux vergers. Remembrement, exode rural et changements de modes de vie sonnent le glas d’une production fermière traditionnelle. Plus tard, la mise sur le marché d’une nouvelle gamme de boissons, alcoolisées et aromatisées à base de pommes, autorisée par le décret du 29 juillet 1987, ainsi qu'une nouvelle réglementation permettant l’utilisation de concentrés pour l’élaboration de cidre jusqu’à 50% du volume de moût ont relancé la production. En Bretagne, le cidre a été vraiment mis à mal au XXe siècle. En 1980, la Bretagne remembrée n’a conservé que le quart de ses vergers. L’ouragan d’octobre 1987 a détruit 35% des pommiers bretons. Malgré tout, le cidre breton, boisson traditionnelle et naturelle a perduré.
La culture des pommiers à fruits a probablement pris naissance en Asie centrale ou occidentale, à une époque très reculée, et elle a gagné vers l’ouest, le long de la Méditerranée, en passant par l’Asie Mineure, l’Egypte, la Grèce, l’Italie latine.
Jusqu’au XIe siècle, aucun texte connu ne fait mention de pommiers cultivés en vue de la production de cidre, mais il est souvent question dans les vieux textes, de "piracium" et de "pomacium", boissons fermentées fabriquées avec les poires et les pommes sauvages récoltées dans les forêts qui couvraient une grande partie de la Gaule. La culture de la vigne était alors confinée dans le midi. Depuis l’époque gauloise jusqu’à la fin du Moyen Âge, on consomma, dans l’ouest et le nord de la France, la bière nommée "cervoise" (cervisia spumans) dans laquelle n’entrait pas encore le houblon mais la conyze, le lupin, la menthe, la rue et l’origan. Dans la plupart des régions de France, on récoltait aussi les pommes et les poires dans les bois pour en faire une boisson fermentée.
La consommation de cidre s’est brusquement développée en France à la fin du XIIème siècle, et il est évident que la culture du pommier à cidre n’a pas pris naissance spontanément. Cela est d’autant plus certain que les pommiers cultivés dans le nord-ouest de la France diffèrent considérablement du Malus silvestris spontané des bois. En effet, les pommiers à cidre, comme les pommiers à couteau, appartiennent au genre Malus domestica et ont comme ancêtre commun principal le Malus dasyphylla de l’Asie occidentale.
Tous les pommiers à cidre, bien qu’on puisse les distinguer en pommiers de pommes amères, de pommes douces et de pommes acides, sont très voisins ;en revanche, ils diffèrent beaucoup des pommiers de pommes acerbes de nos forêts. Ils ont donc pris naissance dans une autre région, probablement le pays basque dans le nord-ouest de l’Espagne.
Les Basques ou Vasques formèrent dès la plus haute antiquité une nation vivant dans la partie occidentale des Pyrénées gauloises et dans le nord-ouest de l’Espagne. Ils étaient d’origine plus ancienne que les peuples celtiques de la Gaule. Ils avaient et ont conservé une langue très spéciale dans laquelle le nom du pommier est "sagara" ; nom peu différent du latin sicera, d’où est dérivé sidre, puis cidre (en français) et cider (en anglais).
Il n’y a pas de documents sur les débuts de la culture du pommier à cidre chez les Basques, mais elle est sans doute très ancienne. Au Moyen Âge, la Biscaye exportait du cidre en Normandie et jusqu’à la Méditerranée.
Dès l’époque gallo-romaine, le fond du Golfe de Gascogne était relié à la Normandie et aux îles anglaises par des routes maritimes et les Basques, à la suite des Romains, entretinrent des relations commerciales avec ces pays. Ils avaient établi un relais au port de l’Aber-Vrach sur la côte de Bretagne, et une navigation inter-péninsulaire très suivie s’étendait de la Biscaye au port de Lorient, au Cotentin et au pays de Galles. C'est de ces quatre points la culture du pommier à cidre a rayonné, constituant quatre centres principaux de culture : 1° le nord-ouest de l’Espagne 2° la Bretagne dans la région de Quimperlé 3° le Cotentin d’où elle s’est étendue au reste de la Normandie et à l’ouest de la Bretagne 4° le Devonshire en Angleterre. Des greffes ou des plants de pommiers de la Biscaye durent être apportés sur les côtes du Cotentin dès le Xe siècle.